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Les commentaires des usagers: Cadre juridique de la responsabilité du blogueur

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Dimanche dernier à Tout le monde en parle, le maire Labeaume attaquait la responsabilité de Radio-Canada par rapport aux commentaires que laissent les internautes sur son site. En fait, Radio-Canada laisse les usagers écrire des commentaires de façon anonyme. Les commentaires sont ensuite modérés par les usagers eux-même par un système de signalement des abus. Un peu comme Youtube. Le maire Labeaume dénonce la situation, puisqu’il peut lire, sur un site financé principalement par les fonds publics, ce qu’il juge être des propos diffamatoires, mais surtout anonymes. Est-ce que Radio-Canada est responsable pour ces propos?

Dans ce même ordre d’idées, plusieurs acteurs du web peuvent se poser la question: suis-je responsable pour les propos orduriers que des individus laissent sur mon blog ou sur mon site? Vous trouverez ici un bref aperçu du régime qui détermine qui est responsable de quoi sur Internet au Québec. Je dis bien «bref aperçu». Pour toute question légale, n’hésitez-pas à vous référer à un avocat.

Le cadre juridique de responsabilité du blogueur ou du gestionnaire d’un site web

C’est principalement la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information qui détermine la responsabilité des différents acteurs du web. Voici l’article 22 de la loi:

22. Le prestataire de services qui agit à titre d’intermédiaire pour offrir des services de conservation de documents technologiques sur un réseau de communication n’est pas responsable des activités accomplies par l’utilisateur du service au moyen des documents remisés par ce dernier ou à la demande de celui-ci.
Cependant, il peut engager sa responsabilité, notamment s’il a de fait connaissance que les documents conservés servent à la réalisation d’une activité à caractère illicite ou s’il a connaissance de circonstances qui la rendent apparente et qu’il n’agit pas promptement pour rendre l’accès aux documents impossible ou pour autrement empêcher la poursuite de cette activité.
(… Le troisième alinéa ne nous concerne pas pour les fins de ce billet).

Cette loi est très conceptuelle est difficile à comprendre à la première lecture, mais je tenais à la mettre pour bien s’y référer. Voici trois repères pour la lire:

  1. Le «prestataire qui agit à titre d’intermédiaire» (que j’appellerai «le prestataire») est celui qui permet à des utilisateurs de publier des commentaires sur un site. L’éditeur ou l’hébergeur du site peuvent avoir ce statut de prestataire.
  2. Une activité à caractère illicite comprend, entre autres, la publication de propos diffamants.
  3. Enfin, lorsque la loi dit «document électronique», il faut se référer à la définition large qui se trouve dans la même loi à l’article 3. Un commentaire laissé par un usager pourrait être interprété comme un document au sens de cette loi.

L’hébergeur

Vous remarquez donc que selon le premier alinéa, le prestataire est exonéré de toute responsabilité. Il est normal que WordPress (mon hébergeur) ne soit pas responsable des énormités qui figurent sur mon blog. Imaginez si les hébergeurs devaient vérifier la teneur du contenu de chaque site qu’ils hébergent.

Le blogueur

Qu’en est-il toutefois de l’éditeur du site? Du blog? Il est aussi un prestataire de service. Peut-il vous laisser écrire des énormités dans la section commentaires de son site? Le deuxième alinéa de l’article répond à cette question. La différence entre WordPress et moi (car nous sommes tous deux prestataires), c’est que j’ai connaissance de ce qui figure sur mon blog. Ainsi, blogueurs, lorsque vous savez que des grossièretés se trouvent sur votre site, vous êtes comme le rédacteur en chef du journal qui lit un article de fort mauvais goût. On vous tiendra responsable de sa publication. Si votre blog est tellement populaire qu’il est impossible de prendre connaissance de tous les commentaires, la suite s’adresse à vous. Enfin, si vous acceptez les commentaires anonymes, vous aurez certes plus de commentaires, mais vous courez le risque d’assumer l’entière responsabilité des propos de quelqu’un d’autre. Si l’auteur du commentaire est identifiable, la responsabilité pourrait dans certains cas être partagée.

L’éditeur d’un site web

Selon l’ampleur du site ou du blog, il peut devenir extrêmement coûteux, voire impossible, de gérer tous les commentaires. C’est le critère de la connaissance de circonstances qui détermine si oui ou non l’exception s’applique. Les éditeurs de Radio-Canada ne sont pas tenus par la loi de lire tous les messages avant qu’ils ne soient publiés. Toutefois, dès qu’ils ont connaissance qu’un commentaire risque d’être illicite, ils doivent le modérer. Ils seront simplement tenus responsables s’ils se font signaler un commentaire et qu’ils n’agissent pas dans un délai raisonnable. Or, si vous avez un site d’une ampleur assez importante et que vous avez perdu le contrôle sur les commentaires, mieux vaut avoir un système de signalement, pour qu’au moins, vos utilisateurs fassent le travail de surveillance pour vous.

Le pari de Radio-Canada

Du point de vue légal, Radio-Canada a fait un pari. Celui que les propos diffamatoires lui seront signalés par les usagers et qu’ils pourront agir rapidement. C’est un choix qui se justifie par l’ampleur des moyens requis pour valider chaque commentaire sur un site aussi gigantesque et actif que celui de Radio-Canada. Le choix juridique est justifiable et il aurait pu être le même si Radio-Canada était une société privée.

C’est plutôt du point de vue éditorial que la question devient épineuse. La médiocrité de plusieurs commentaires anonymes qui se retrouvent sur le site de Radio-Canada, en plus d’être souvent garnis de fautes d’orthographe, contraste avec la qualité des articles. De plus, il faut vérifier si la politique que s’est donnée la SRC est respectée. Des journaux en ligne comme Le voir et Le Devoir modèrent davantage les commentaires, ce qui permet de respecter une certaine ligne éditoriale.

À vous de commenter

Croyez-vous que parce qu’elle est une société d’état, la SRC doit faire le choix d’une modération plus sévère? Devrait-elle permettre aux gens de publier de façon anonyme? Percevez-vous que le fait de permettre aux usagers de s’exprimer de façon anonyme favorise davantage la liberté d’expression ou la diffamation? Trouvez-vous que la politique concernant le contenu généré par les utilisateurs est respectée?

Pour aller plus loin:



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